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Arrêtez cette injonction à la bienveillance !

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La bienveillance est le nouveau slogan en médecine hérité du monde de l’entreprise. On le met aujourd’hui à toutes les sauces, et il perd peu à peu son sens pour ne devenir qu’une énième formule à la mode sur les réseaux sociaux. L’hôpital est un monde qui peut être cruel et douloureux, pour autant, prôner cette bienveillance artificielle peut alimenter un mal-être profond. Voyons pourquoi.

La bienveillance c’est quoi ?

La bienveillance est un état d’esprit qui suppose de nombreuses qualités comme l’écoute, l’indulgence et surtout le sens du non-jugement. Le mot bienveillance vient du latin benevolentia, ce qui implique une volonté de faire le bien. Ce n’est donc pas quelque chose de spontané. Il s’agit surtout d’une façon d’être, qui ne s’enseigne pas comme un cours d’anatomie. Le concept de bienveillance a beaucoup alimenté les manuels d’éthique dans le rapport aux patients. En effet, cette approche permettrait d’apporter un meilleur soin. L’importance accordée à la bienveillance a surtout été développée en gériatrie, un espace particulièrement propice à la maltraitance.

Mais il est désormais reconnu que cette injonction à la bienveillance envers les patients ne signifie pas grand-chose dans un contexte d’épuisement professionnel et de sous-effectif. Et cette obligation de bienveillance fait alors naître un sentiment de culpabilité. Plus récemment, cette injonction est très à la mode dans les rapports ministériaux et chez les « influenceurs médicaux » qui prônent cette bienveillance à tout va dans les rapports professionnels.

Le rapport aux collègues

Le concept de bienveillance a donc quitté le champ du patient pour rejoindre celui des rapports entre collègues. Le terme est désormais devenu « corporate », « soyez bienveillants les uns envers les autres », « tout le monde devrait désormais être bienveillant ». Après avoir inondé les réseaux sociaux de ce concept, est-ce que le monde hospitalier a changé ? L’écoute et l’attention portée à ses co-externes, co-internes a-t-elle pour autant évolué ?

Il suffit de passer quelques instants à l’hôpital pour constater que cette injonction à la bienveillance est le plus souvent vide de sens, vide d’humanité, et que malgré le battage sur les réseaux sociaux, celle-ci devrait en réalité se pratiquer en toute humilité et en toute discrétion. Il semble que l’arrivée de la bienveillance dans nos feed soit directement liée aux programmes de management bas de gamme. La bienveillance, tout comme la générosité, se pratique en toute sincérité par ceux qui en parlent le moins. Pour éviter toute démagogie, il faudrait dénoncer les vrais problèmes en restant objectif, mais qui sont alors moins « instagrammable ».

Un monde ultra-compétitif

Cette injonction à la bienveillance est d’autant plus hypocrite que les études de médecine sont basées sur la compétition, la comparaison à son co-externe, son co-interne et même son collègue de travail. On demande de se réjouir de la réussite de l’autre ; or cette même réussite signifie parfois notre échec. Pour Stéphanie Hahusseau, « quand on nous apprend à avoir honte d’une émotion négative, on multiplie par deux le dommage psychique ». La réalité du terrain est loin des concepts béquilles comme celui de la bienveillance.

Les études médicales sont de fait exigeantes et impliquent un rapport particulier à autrui. De plus, les relations humaines sont trop complexes pour répondre à une simple injonction de prôner la joie et le bonheur dans toutes nos relations. Cette grande valeur morale que tout étudiant en santé devrait avoir n’est pas salvatrice, mais destructrice quand elle ne fait que cacher la réalité du monde professionnel. Mais cela ne signifie pas qu’il faut rester passif face à l’injustice qui nous entoure, il faut simplement renouer avec des valeurs simples.

Quelle attitude avoir ?

Il faut arrêter de se rattacher à des concepts vidés de leur substance suscitant « like et partages » et de censurer nos pires émotions. Il faut probablement revenir à des valeurs du vivre ensemble plus qu’à des concepts à la mode, revenir à la fondation des relations humaines comme le respect. Lâcher la « bienveillance » pour dénoncer les réels actes de « non-bienveillance ». Dénoncer par exemple les actes de harcèlement, le racisme ou même les conditions de travail seront plus utiles.

Il faut aussi dénoncer la condescendance de ceux qui prônent haut et fort de faire preuve de telle ou telle vertu. Il faut bien naturellement accueillir la bienveillance discrète et naturelle. Mais sortons de notre langage ces mots creux et renouons avec un rapport à l’autre tout simplement normal. Et toujours garder en tête, que le respect, fondement de toute société, n’inclut pas d’accepter l’inacceptable.

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  • Idris Amrouche
  • Rédacteur remede.org
  • amrouche.idris@gmail.com
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