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Bertrand Boutillier - Médecin généraliste remplaçant - RENNES
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Janv. 09

Généraliste de campagne (j'ai testé pour vous)

Publié le 11/01/09 23:07 - Modifié le 12/01/09 21:24
Tags associés : Campagne, Liberté d'installation, Médecine générale, Remplacement
J’ai testé pour vous : généraliste de campagne, seul, sans secrétariat. En voici la journée type.
8h25 : Je roule depuis 3/4h, j’arrive enfin au cabinet médical. Les consultations commencent à 8h30. Je me gare. Problème : ce matin c’est sur rendez-vous mais il y a curieusement 4 voitures déjà garées sur le parking. Soit les patients sont très en avance, soit ceux là sont venus se rajouter … Je vous laisse devinez quelle est la bonne option.
J’ouvre la porte, je laisse tout le monde s’installer dans la salle d’attente, je démarre l’informatique.

8h35 : Première ouverture de la porte de la salle d’attente : j’informe ces messieurs dames que ce matin c’est sur rendez-vous, que c’est inscrit sur les ordonnances et sur la plaque du toubib (qui ne date pas d’hier) et que le planning est déjà plein pour la matinée ou presque, le premier trou étant pour 9h30.

8h40 : je n’ai toujours pas refermé la porte pour prendre le premier patient. Ces messieurs dames ne comprennent pas. D’habitude le Dr X prend tout le monde, rendez-vous, sans rendez-vous. Un père est particulièrement borné (restons poli), j’ai vu son fils il y a 48h, il est passé aux urgences il y a 24h (sur mes recommandations si persistance douleur abdo et/ou apparition de t°) et ce matin « il faut des médicaments, c’est urgent ». Le ton monte, devant le déficit neuronal apparent, je referme la porte, ce type n’est pas en mesure de comprendre les choses.

9h45 : J’ai vu mes 4 premiers rendez-vous entrecoupés comme il se doit de nombreux coups de fil. Parmi les patients, une HL en psy à négocier dépressif au bout du rouleau. Je vous passe tout le couplet sur les aléas de faire accepter quelqu’un dans une structure privée : ça faisait 4 jours que j’avais pris contact pour trouver une place à ce patient, on m’a baladé en me suggérant que tout allait être ok et bien sûr le jour même, rien n’est plus possible. Reste à convaincre que la psy du CH ce n’est pas tant l’enfer que ça …
J’ouvre donc la porte. Le patient suivant sur la liste, celui de 9h45 n’est pas là. Tant mieux. Je fais donc rentrer le père et son gamin. Il n’a plus grand chose, peut être le nez qui coule, les urgences ped ont éliminé l’appendoc, c’était une simple virose, comme 95% des pathologies infectieuses du moment. Ca méritait donc un scandale et un non respect des patients qui avaient rendez-vous, c’est certain. J’enchaine ensuite les consultations des autres patients venus à l’improviste pour … des renouvellements de traitement. Là encore c’est le genre de consultation qui mérite de foutre en l’air un planning de consultation et de ne pas se soucier de savoir comment fonctionne le toubib ce jour là.

10h45 : Les choses s’enchaînent assez vite, mon « retard » oscille entre 20 min / 30min environ, pour ceux qui ont rendez-vous. Le coup de fil quotidien (parfois bi/tri quotidien) de la patiente hypochondriaque tombe. Cinq minutes après c'est celui de sa fille, cinq minutes plus tard encore celui de la directrice de la maison de retraite dont le personnel explose face aux demandes incessantes de la même patiente depuis des années … Puis 10 minutes plus tard, c’est un coup de fil d’une maison de retraite : Mme X n’est pas bien, elle dessature, sat à 85%, il faudrait y aller … « d’ailleurs vous devez passer ce jour pour 5 renouvellements ». Mais bien sûr. J’ai déjà 4 visites avec chacune 20 minutes de route entre, il est clair que je vais en plus venir faire 5 renouvellements comme ça prévenu 2h avant. Je viendrai voir Mme X dès que possible, là pas question de bouger, la salle d’attente est pleine. Si la sat reste basse, il faut l’hospitaliser de toute façon … Je ne vais pas tout plaquer pour faire 40 minutes de route,un courrier et un bon de transport.

12h45 : Les consultations sont terminées. Bien sur il y a eu les traditionnelles arrivées de 12h00 et 12h05 sans coup de fil préalable … une fièvre à 38° ca n’attend pas …
Je commence donc mes visites sans manger, je débute par les patientes âgées isolées. L’une d’elles a quelques signes d’une possible EP post chirurgie (rassurez vous, rien au final) … elle passe pour moi avant mon insuffisante respi de maison de retraite surveillée par les IDE sur place. Dans le même coin, je continue par une patiente oxygéno dépendante …

14h30 : Me voilà à la maison de retraite de Mme X, elle a été embarquée après appel du SAMU pour le CHU. J’ai donc fait mes 20 bornes pour rien. Devant cette pause offerte, direction la boulangerie pour manger quand même un morceau. Reprise des visites et je rentre vers 16h00 au cabinet où je reprends la ligne téléphonique. Déballage et lecture du courrier, compta de la semaine … les consultes sont indiquées reprendre à 17h00 sans rendez-vous mais à moins 20 une première personne entre déjà dans la salle d’attente.
Je la vois un peu avant 17h. Puis … rien, plus rien. Deux patients seulement arrivent jusqu’à 18h30. Quelle belle répartition du travail ! Quelle journée fort équilibrée !

18h30 : le téléphone sonne, c’est l’IDE de ma patiente hypochondriaque, j’ai demandé un bilan de contrôle d’une natrémie pas nette, l’hyponatrémie se majore, la kaliémie bouge. Etiologie ? Aucune idée, curieusement, on laisse cette patiente gérer seule son traitement. Il y en a plein l’armoire, des boites d’actualité, des boites qui ne devraient plus l’être mais dans lesquelles elle semble piocher de temps en temps … La situation est bien trop tarabiscotée et d’ailleurs la patiente est décrite comme confuse depuis le matin. Il n’y a pas d’autre choix que d’y aller pour la faire hospitaliser …
Vu l’affluence, je décide de boucler le cabinet et d’y aller de suite. Une sombre histoire de clefs perdues fait que je ne peux décoller avant 19h00, fin théorique des consultations. Je vous le donne en mille, 18h59, une voiture se gare alors que je ferme la porte à clef … sans coup de fil préalable. Logique 18h59, ce n’est pas 19h, mais on n’est pas au Super U où l’on peut en une minute, rentrer, sauter sur une boite de haricots verts, payer et ressortir à 18h59m59s.
J’explique qu’il y a une visite urgente, que je pars et que je ne peux faire autrement. Visiblement, c’est l’incompréhension.

21h15 : je rentre finalement chez moi après avoir fait tout ce qu’il faut pour ma petite dame à hospitaliser. Quelle belle journée pleine d’un travail serein …

Je tire plusieurs conclusions de cette expérience maintes fois renouvelée depuis quelques années :

- Une patientèle s’éduque, celle là ne l’est visiblement pas complètement. Elle scie d’ailleurs la branche sur laquelle elle est assise : en ne respectant pas un minimum la vie de médecin, en l’accaparant de la sorte, elle l’épuise peu à peu comme elle passe l’envie aux remplaçants potentiels de revenir ou de s’installer de la sorte. Il paraît qu’il existait d’ailleurs une affiche il y a quelque temps qui disait « Le médecin est au service de votre santé, pas de votre emploi du temps », on est très très loin de ça et il serait intéressant que cette affiche soit republiée et affichée dans les salles d’attente …

- L’installation à la campagne sans une structure solide d’un cabinet de groupe est une folie. Je ne parle pas des cabinets de 2 médecins, c’est là presque la même situation. Non, il faut du lourd du très lourd : secrétariat à plein temps, collègues pour suppléer les jours de repos et les pauses nécessaires pour avoir une vie à coté. L’exercice seul ou à deux relève de la tuerie : fonctionner sans secrétariat temps plein nécessite de faire un choix toujours mauvais : fonctionner sans rendez-vous c’est ne pas optimiser son planning et voir tout le monde rappliquer aux mêmes heures. Fonctionner avec rendez-vous implique de recevoir un coup de fil par rendez-vous réservé plus tous les autres coups de fils : c’est le massacre cérébral, le hachage intégral des consultations et de tout ce qu’elles nécessitent (discussions avec le patients, examens, réflexions pour la prescription …)

- Toute mesure coercitive d’installation en zone rurale ne peut être à l’évidence que contre productive. On ne peut forcer personne à rentrer dans un tel système sans qu’au bout de 6 mois il change de métier. Le problème principal étant tout de même celui de la qualité de l’exercice médical qui ne peut être positif que si il est accompagné de plans forts pour le regroupement médical et paramédical avec mutualisation de la tâche (Tout ceci sans parler en plus du problème d’attractivité générale de ces zones en désertification globale … ).

Voilà. Je dresse un tableau très noir de la chose. Je sors de cette session de remplacement de Noël laminé physiquement et intellectuellement. Quinze jours trois semaines d’une vie passe encore, mais à longueur d’année : JAMAIS, même si comme toujours tout n’est pas négatif et la majorité des gens fort sympathiques.
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