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Les dentistes sont-ils si mal formés ?

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Un chirurgien-dentiste sur dix diplômé dans l’Union européenne (UE) n’aurait jamais réalisé de soins bucco-dentaires sur un patient au cours de sa formation initiale. Aujourd’hui 40% des chirugiens dentistes français sont titulaires d’un diplôme étranger. Les résultats pour le moins préoccupant d’une enquête sans précédent sur la pratique clinique des étudiants européens en odontologie sont publiés sur le site de l’Ordre.

Une enquête inédite réalisée à l’échelle européenne sur la formation initiale en odontologie révèle de grandes disparités des formations dispensées, notamment sur le volet clinique. 12 % des étudiants européens n’auraient jamais élaboré de plan de traitement et un tiers d’entre eux n’auraient jamais réalisé de prothèse fixe ni rédigé de prescription médicamenteuse…

Réalisée par Marco Mazevet, ancien président de l’European Dental Students’ Association (EDSA) dans le cadre de sa thèse intitulée « Évaluation de la pratique clinique dans le cursus des études en odontologie au sein de l’Union européenne », cette enquête pointe la grande hétérogénéité des formations cliniques européennes. Une différence de qualité de l’enseignement qui pose problème à l’heure où la libre circulation des praticiens à diplôme européen n’a jamais été aussi forte. Pour rappel en vertu du principe de la reconnaissance automatique des diplômes européens, un chirurgien-dentiste formé et diplômé en UE peut exercer sur l’ensemble du territoire européen, notamment en France (1). Pour Marco Mazevet, cette hétérogénéité « ne semble ni correspondre aux objectifs de l’Association for Dental Education in Europe (ADEE) d’une part, ni à l’objectif d’une libre circulation “saine” d’autre part ».

La “pratique clinique” absente des cursus

Sur quelle méthodologie s’appuie cette enquête et que nous révèle-t-elle ? Cette étude a été menée dans les États de l’UE disposant d’organismes de formation en chirurgie dentaire ciblant 23 372 étudiants en dernière année ou ayant achevé leur cursus en 2015. Ces étudiants étaient invités à répondre en ligne à un questionnaire comportant trois catégories de questions :
Informations générales : nationalité, âge, pays de formation ; Conditions de la pratique clinique : encadrement, matériel ; Fréquence de la réalisation de 34 actes.
Au total, 964 réponses ont été enregistrées provenant de 19 pays membres sur les 26 pays dotés d’organismes de formation (2). Avant d’aller plus loin, notons que l’auteur a choisi d’exposer les résultats de façon globale, à l’échelle européenne et non par État. Il s’en explique en précisant que « de très fortes variations sont enregistrées sur le plan national ; il serait injuste de pointer du doigt un pays entier, alors que le problème se situe au sein de certains organismes de formation. De plus, l’objet de l’étude est de faire évoluer la législation européenne de manière globale, en amorçant le débat à la suite de ce constat inacceptable ».
S’agissant du premier résultat évoqué plus haut : 10 % des étudiants ont déclaré que leur activité clinique s’est limitée à un rôle d’observateur. Autrement dit et répétons-le, un praticien sur dix diplômé en Europe n’a donc jamais réalisé personnellement de soins sur un patient. Marco Mazevet précise : « Quand bien même ces chiffres seraient, par aléas statistiques, surreprésentés, cette population existe et semble en contradiction avec l’annexe de la directive européenne qui inscrit la “pratique clinique” au nombre des exigences du cursus. » Propos confirmé par Martin Froh, directeur de l’unité de la liberté de circulation des professionnels, interrogé à ce sujet lors de l’assemblée générale du Conseil européen des chirurgiens-dentistes en octobre 2015, et selon lequel « une absence de pratique sur les patients ne serait pas conforme à la directive 2005/36 CE ».

Des chiffres éloquents

En pratique, les étudiants étaient invités à répondre sur la fréquence de réalisation de 34 actes listés dans le questionnaire. Là encore, le constat apparaît peu satisfaisant :
Un quart des actes a été réalisé plus de dix fois par 60 % des étudiants ;
Deux tiers des actes ont été réalisés moins de cinq fois par 50 % des étudiants ;
Plus de 75 % des étudiants n’ont jamais réalisé cinq des 34 actes (éclaircissement, chirurgie parodontale, pose d’un implant, extraction de dent incluse, réalisation d’une prothèse sur implant) ;
Au moins 90 % des étudiants se sentent autonomes pour sept actes sur 34 (examen intraoral, prévention carieuse, prise de clichés radiographiques, anesthésie, restauration directe, détartrage, prévention parodontale) ;
Plus de 50 % des répondants estiment pouvoir réaliser 28 des 34 actes en autonomie.
Ces résultats mettent en exergue « l’absence d’un minimum de réalisation d’actes cliniques à l’échelle européenne », souligne l’auteur qui poursuit : « L’objectif de compétence dans les actes “de base” ne semble pas pouvoir être raisonnablement atteint compte tenu de la faible réalisation de certains traitements, pourtant élémentaires dans une pratique quotidienne : environ un étudiant sur trois n’a jamais réalisé de prothèse fixée, près d’un étudiant sur deux n’a jamais réalisé de retraitement endodontique ou de gestion d’un traumatisme en denture temporaire. La faible fréquence d’actes d’interdisciplinarité est également frappante, voire préoccupante : près d’un étudiant sur trois n’aurait jamais prescrit de traitement médicamenteux en fonction de l’historique médical du patient. »
Après avoir dressé l’état des lieux des formations cliniques en UE, l’auteur avance une solution visant à « garantir la qualité des programmes de chirurgie dentaire ». Il s’agit de modifier l’annexe de la directive 2005/36 contenant les sujets devant être abordés pendant la formation. « Cette liste est archaïque et ne répond pas, comme exposé lors de l’étude, aux exigences actuelles de la profession. […] Dans un futur proche, une modification de ce texte affirmant la nécessité de la formation clinique sur patients pourrait permettre la fin de la dérive la plus évidente présentée par cette étude : diplômer des étudiants sans aucune pratique clinique personnelle sur patients pendant leur cursus. »

Une question demeure : les étudiants n’ayant jamais soigné de patients sont-ils répartis sur le territoire européen ou proviennent-ils du ou des mêmes organismes de formation ? Puisse cette étude, largement diffusée, provoquer des interrogations tant chez les étudiants tentés de se « délocaliser » que des structures d’enseignement. Les commissions Législation et Europe et de l’Enseignement et des Titres du Conseil national restent attentives sur ce sujet.

Source : Ordre national des chirurgiens-dentiste

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  • Anne Marie DE RUBIANA
  • Rédactrice en chef de Remede.org
  • amderubiana@remede.org
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